Je relève que, bien que la mort existe depuis toujours, et qu'elle compose le destin de chacun des mortels, elle parait toujours aussi mystérieuse…
 
Comme Émil Cioran le disait bien : “On meurt depuis toujours, et pourtant la mort n’a rien perdu de sa fraicheur.”
 
Cette fraicheur, ce caractère soudain et neuf propre à la surprise de l’événement a pour moi, la consistance d’une brume qui s’étend dans le temps. Je l’assimile donc aussi à ce qui me frappe et qui perdure dans l’apparition de la disparition lorsque j’explore mes archives familiales. Une sorte d’absence éclatante. (fig.a) Une présence parfois même plus exacerbée et tenace que celle qui semble composer les vivants. Elle est la présence de leur absence.
 
Tout devient claire, l’image nous rappèle sans cesse à ces disparu.e.s. Et à nous ici, restant, notre place pendant. L’objet mémoriel fait lien. Le temps d’un instant, avant que sa porosité ne se disperse.

Grain d’argent, pixels, traces, empreintes, parfums, sons… Ils restent.

Toutes ces matières dans lesquels ils s’inscrivent, se figent, s’enserrent, se gravent, sont retenus et qui nous rappèlent à eux. Elles restent.

Toutes ces différentes technologies qui les re-composent magiquement, illusoirement, vainement. Sont avec nous, les restants.
 
Ce sont, ces “effets de présences” qui apparaissent comme d’"inquiétantes étrangetés” qui m’intéressent. Et comme le disait Louis Marin dans “L’être de l’image et son efficace” en 1993, elle ne manquent pas à “présentifier l’absent” :
 
« À la place de quelque chose qui est présent ailleurs, voici le présent un donné, ici : image ? Au lieu de représentation, donc, il est un absent dans le temps ou l'espace ou plutôt un autre, et une substitution s'opère d'un autre de cet autre, à sa place. (...) Tel serait le primitif de la représentation comme effet : présentifier l'absent, comme si ce qui revenait était le même et parfois mieux, plus intense, plus fort que si c'était le même. »

Mais alors, “Présentifier l’absent”, n’est-ce pas là tout simplement ce que fait le cinéma?